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Elle était la fille de la tenancière du bar  Man Eugène. 

À chaque coin de ruelles, se disait, se clamait la beauté d’Amélia . Quand  elle se rendait au marché, chaussures vernies aux pieds, jupe fendue sur les côtés, son panier  tressé au bras,   chacun se mettait à sa fenêtre pour observer les faits et gestes de cette belle princesse. Tous les hommes du village  étaient raides dingues d’elle, mais celle-ci, les toisant à chacune de leurs tirades, prétendait à un homme bien mieux en matière de situation  financière et intellectuelle. Elle rêvait d’un de ses hommes d’en-Ville, un homme qui aurait de bonnes manières et qui parlerait parfaitement le créole  et le français. 

Sa mère, elle, espérait lui trouver un gendarme Blanc-France qui accepterait de l’épouser et l’emmènerait vivre en Auvergne.

 

Un jour, se rendant au marché, comme tous les dimanches après- midi, elle fit la connaissance d’un garçon. Celui-ci avançait sur le chemin regardant au loin la belle créature.

« Punaise !! » se dit-il

N’en croyant pas ses yeux, il pressa le pas, pour regarder de plus près. Plus il avançait, plus il se sentait envoûté par la jeune fille.

Quand ils se retrouvèrent  presque face à face, ce fût le coup de foudre.

Fany prend sa guitare et lui chante une petite chanson.

Quant à Amélia, elle était séduite : un homme grand, beau, parfumé, chantant d’une voix exquise. Mais  d’où venait-il ? Elle ne l’avait encore jamais croisé dans la région. Etait-ce un de ses hommes de l’En-Ville ?

Pendant ce temps au marché, les marchandes dépiautaient les requins et les daurades à une cadence infernale. Les lambis étaient déjà tous vendus. Il faut dire qu’il y avait foule.

Quand Amélie arrive au centre du bourg avec son compagnon de route, tout est déjà vendu, les étalages pliés.

N’ayant  rien à manger mais le cœur léger, Amélia suit Fany  au bar des Amis pour un petit verre de Rhum.   Dans cet élan de gaîté, ils s’en vont tous deux danser le chachacha au bal de la fête patronale. Ils dansent, ils dansent toute la nuit pour ne séparer qu’au petit matin.

Mais  les commérages vont vites et le lendemain, les maquerelleuses professionnelles n’ont pas manqué à leur devoir. Ici, tout le monde se connaît et par tout le bourg, on peut entendre raconter la douce soirée d’Amélie et Fany. La maman d’Amelie, elle ne voit pas cette fréquentation d’un bon oeil, elle qui pensait à un gros gendarme blanc – pays.

« Tu vois la paille qui est dans l’œil de ton voisin et tu ne vois pas la poutre qui est dans ton œil. »

Même si l’affaire avait bien commencé, elle n’allait pas tarder à s’embourber dans de nombreuses difficultés.

Les jours passent, ils s’aiment tendrement malgré les « on dit » du village. Mais   bientôt le ventre d’Amelia s’arrondit .

Elle attend un enfant. Il est temps  de  se marier, mais Fany  sous  ses grands airs de beau –parleur n’a pas d’argent et n’est pas celui qu’Amelia avait pensé.

Il travaille dur pour le blanc –pays, mais celui-ci ne le paie jamais. Chaque soir, Après le travail, le bougre se rend chez Man Eugène, les poches vides, suppliant la jeune fille de ne pas l’ignorer et d’accepter sa demande en mariage.  Mais celle-ci a plutôt envie de se venger, attraper un couteau et le couper en morceau.

Quant à lui, comment faire ? Il n’oserait pas protester contre son patron, sous  peine de se voir renvoyer.

Il met les mains dans ses poches vides, fouille, va chercher dans les moindres recoins mais rien, strictement rien.

Marchant dans la rue principale, l’air dépité, il se dirige tout droit  au bar des Amis. Il se dit qu’après tout, il trouvera bien un compère pour lui offrir un verre.

 Au bar, les conversations vont bon train, et quand Fany arrive, le silence se fait.

Chacun pense à son sort misérable : le travail si dur,    leur case  faite de quatre bouts de tôle ou de bois et d’un sac de ciment, leur peine à ramener à manger chaque jour. Chacun devient coléreux, haineux. La révolte est décidée, demain c’est la grève générale. Fany sera vengé.

Trop d’argent toujours entre les mêmes mains, et qui ne le méritent point.

Demain, la route du Lamentin sera bloquée avec tout ce que l’on trouvera.

Petit à petit, au beau mitan de la route s’élève des barricades, des banderoles. 

Tous sont là : les ouvriers agricoles, ceux de la manufacture d’en –Bas, les lessiveuses…  Les charbonnières et dockers et parmi eux la douce Caroline. Les hommes en tête de troupe, le coupe-coupe à la main, injurient leurs patrons,  font des gestes de menace. Les maisons des Békés sont bloquées, certaines incendiées. Fany lui est bloqué, les yeux rivés sur cette charmante créature.Au détour d’un regard, elle lui sourit à, et le dévisage de ses grands yeux. Tout le sang du jeune homme ne fait qu’un tour. Avec hardiesse, il se dirige vers cette beauté étrange pour faire plus ample connaissance.

« bonjou, manzell » « puis-je savoir où demeure une si belle  princesse ? »

Celle-ci ne se laissant pas démonter lui répond :

 «  Les affaires de la chèvre ne sont pas les affaires du lapin. »

Mais si tu veux faire le chemin avec moi….

Fany resté sans réponse  emboîte le pas de la demoiselle sans broncher.

En chemin, ni tenant plus il lui demande :

« dimoin oti ou kallé, doudou ? »

Mais la doudou  resta bouche bée jusqu’à ce qu’ils arrivent au port. Fany aveuglé par la belle Caroline monte à bord du bateau et s’embarque pour la Guadeloupe.

Le bateau passera par la Dominique pour ensuite arriver sur les quais de Basse-Terre, la deuxième ville la plus importante de Guadeloupe.

À l’arrivée, au port de Basse-Terre, la foule est postée sur l’embarcadère pour accueillir l’arrivée du bateau. Il y a ceux qui sont venus pour scruter les nouveaux arrivants, et puis, les voyageurs armés de leurs lourdes valises et les familles avec leurs bandes de marmots tout excités de  cette grande fête. Les marchandes sont là, assises sur une chaise de fortune, le panier rempli de  cônes de cacahuètes, pistaches et autres friandises. D’autres se sont construit un petit étalage sur lequel est disposé tout le nécessaire à la fabrication d’un floup :  un grand bloc de glace, un grattoir et des sirops.

 La famille de  Caroline est au complet pour l’accueillir. Tous sont heureux de son retour, mais ne savent pas la surprise qui les attend.

Quant à Amélia, la jeune fille  a le  limbé son homme l’a quittée. Les mois ont passé, son chagrin  est toujours présent.  Elle  a accouché quelques mois plus tard d’un beau garçon.

Pleine d’amertume et rongée par le regret, Amélia se retrouve  toute  seule avec son enfant. Ses parents ne veulent plus la voir :  « un enfant sans mari, que doivent dire les commères du village ? » Ici, les cancans vont bon train.

 Servante, elle nettoie,    prépare à manger, écaille le poisson, repasse,    s’exténue à la tâche et rentre le soir chez elle complètement éreintée s’occuper de son ti moun.

L’enfant se plaint, sa maman lui donne  sans cesse que de la morue, de la farin’sec et Zaboca.

Pourquoi prépare –t-elle de si bons plats pour les autres ?

Et puis, où est son papa ? Comment s’appelle-il ?

L’enfant s’endort triste, le ventre vide, se posant bien des questions.

            Mais un beau matin de janvier, se rendant au travail comme à son habitude, elle entend des rumeurs sur la  place du village. Devant la mairie, sur un grand écriteau, on peut lire :

                       Grand concours de déesses de beauté : élection Miss Carnaval

Épreuve : la jeune femme devra danser plusieurs chorégraphies et chanter les airs traditionnels du carnaval. Elle sera accompagnée par le groupe Voukoum.

Avis aux belles voix et aux déhanchés endiablés.

 La gagnante se verra récompensée d’un séjour lors du carnaval de Rio, où elle devra représenter l’identité du Carnaval Antillais au Brésil. Elle  trônera en tête du défilé  au sein du groupe Voukoum.

                       Amélie n’est plus aussi jolie qu’avant. À force de labeur, il ne lui reste plus que la peau sur les os. Mais n’était –elle pas la plus belle et la meilleure danseuse du village avant que Fany la laisse tomber ?

Arrivé le soir, elle commence à retourner sens dessus dessous sa maison, à la quête d’objets et de bouts de tissu susceptibles de devenir  un  déguisement. Bientôt, on peut apercevoir un énorme tas au mitan de la cuisine. Il ne lui reste plus qu’à trouver du fil et des ciseaux et des feuilles de cocotier bien vertes.

Les heures passent, Amélia coud sans relâche pour arriver au petit matin sans s’en apercevoir.

Son costume est quasi prêt. Son ti moun est là, ses gobilles noires en admiration devant sa manman. Quand Amélia est enfin vêtue,   et se retourne devant le miroir, c’est l’explosion de joie. Son costume lui va à ravir.

Ne reste plus qu’à répéter quelques pas de danses et quelques chants pour s’en aller au défilé. Demain sera le grand jour…

Et ce fût le grand jour, Amélia se mit à chanter, à danser avec une telle transe qu’elle détrôna toutes les jeunes femmes. Elle mit la foule en délire. Tous étaient comme autrefois, les yeux rivés sur elle, amoureux et euphorique, l’encourageant de vive voix.

 Dans sa tête, elle se dit : « Fo pa ou pété pli o ki tou a fes’ aw » « la chaudière dit au faitout que ses fesses sont noires’ . Elle rigola et se mit à sourire au public.  Non,   elle ne les toisait plus, son expérience avec Fany lui avait servi de bonne leçon. Désormais, elle arrêterait de se vanter et de se donner des grands airs. Fini de Badjolè à tout bout de champ.

 Et bientôt une nouvelle vie commençait, elle allait s’en aller vers le Brésil pour de nouvelles histoires.

Punaise.

Celle-ci ne se laissant pas démonter lui répond :

 «  Les affaires de la chèvre ne sont pas les affaires du lapin. »

Mais si tu veux faire le chemin avec moi….

Fany resté sans réponse  emboîte le pas de la demoiselle sans broncher.

En chemin, ni tenant plus il lui demande :

« dimoin oti ou kallé, doudou ? »

Mais la doudou  resta bouche bée jusqu’à ce qu’ils arrivent au port. Fany aveuglé par la belle Caroline monte à bord du bateau et s’embarque pour la Guadeloupe.

Le bateau passera par la Dominique pour ensuite arriver sur les quais de Basse-Terre, la deuxième ville la plus importante de Guadeloupe.

À l’arrivée, au port de Basse-Terre, la foule est postée sur l’embarcadère pour accueillir l’arrivée du bateau. Il y a ceux qui sont venus pour scruter les nouveaux arrivants, et puis, les voyageurs armés de leurs lourdes valises et les familles avec leurs bandes de marmots tout excités de  cette grande fête. Les marchandes sont là, assises sur une chaise de fortune, le panier rempli de  cônes de cacahuètes, pistaches et autres friandises. D’autres se sont construit un petit étalage sur lequel est disposé tout le nécessaire à la fabrication d’un floup :  un grand bloc de glace, un grattoir et des sirops.

 La famille de  Caroline est au complet pour l’accueillir. Tous sont heureux de son retour, mais ne savent pas la surprise qui les attend.

Quant à Amélia, la jeune fille  a le  limbé son homme l’a quittée. Les mois ont passé, son chagrin  est toujours présent.  Elle  a accouché quelques mois plus tard d’un beau garçon.

Pleine d’amertume et rongée par le regret, Amélia se retrouve  toute  seule avec son enfant. Ses parents ne veulent plus la voir :  « un enfant sans mari, que doivent dire les commères du village ? » Ici, les cancans vont bon train.

 Servante, elle nettoie,    prépare à manger, écaille le poisson, repasse,    s’exténue à la tâche et rentre le soir chez elle complètement éreintée s’occuper de son ti moun.

L’enfant se plaint, sa maman lui donne  sans cesse que de la morue, de la farin’sec et Zaboca.

Pourquoi prépare –t-elle de si bons plats pour les autres ?

Et puis, où est son papa ? Comment s’appelle-il ?

L’enfant s’endort triste, le ventre vide, se posant bien des questions.

            Mais un beau matin de janvier, se rendant au travail comme à son habitude, elle entend des rumeurs sur la  place du village. Devant la mairie, sur un grand écriteau, on peut lire :

                       Grand concours de déesses de beauté : élection Miss Carnaval

Épreuve : la jeune femme devra danser plusieurs chorégraphies et chanter les airs traditionnels du carnaval. Elle sera accompagnée par le groupe Voukoum.

Avis aux belles voix et aux déhanchés endiablés.

 La gagnante se verra récompensée d’un séjour lors du carnaval de Rio, où elle devra représenter l’identité du Carnaval Antillais au Brésil. Elle  trônera en tête du défilé  au sein du groupe Voukoum.

                       Amélie n’est plus aussi jolie qu’avant. À force de labeur, il ne lui reste plus que la peau sur les os. Mais n’était –elle pas la plus belle et la meilleure danseuse du village avant que Fany la laisse tomber ?

Arrivé le soir, elle commence à retourner sens dessus dessous sa maison, à la quête d’objets et de bouts de tissu susceptibles de devenir  un  déguisement. Bientôt, on peut apercevoir un énorme tas au mitan de la cuisine. Il ne lui reste plus qu’à trouver du fil et des ciseaux et des feuilles de cocotier bien vertes.

Les heures passent, Amélia coud sans relâche pour arriver au petit matin sans s’en apercevoir.

Son costume est quasi prêt. Son ti moun est là, ses gobilles noires en admiration devant sa manman. Quand Amélia est enfin vêtue,   et se retourne devant le miroir, c’est l’explosion de joie. Son costume lui va à ravir.

Ne reste plus qu’à répéter quelques pas de danses et quelques chants pour s’en aller au défilé. Demain sera le grand jour…

Et ce fût le grand jour, Amélia se mit à chanter, à danser avec une telle transe qu’elle détrôna toutes les jeunes femmes. Elle mit la foule en délire. Tous étaient comme autrefois, les yeux rivés sur elle, amoureux et euphorique, l’encourageant de vive voix.

 

 Dans sa tête, elle se dit : « Fo pa ou pété pli o ki tou a fes’ aw » « la chaudière dit au faitout que ses fesses sont noires’ . Elle rigola et se mit à sourire au public.  Non,   elle ne les toisait plus, son expérience avec Fany lui avait servi de bonne leçon. Désormais, elle arrêterait de se vanter et de se donner des grands airs. Fini de Badjolè à tout bout de champ.

 Et bientôt une nouvelle vie commençait, elle allait s’en aller vers le Brésil pour de nouvelles histoires.

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